Un peu d’histoire : l’origine des détendeurs

Tous les détendeurs de plongée que nous utilisons aujourd’hui ont le même principe général de fonctionnement (à la demande et à la pression ambiante) que les régulateurs Rouquayrol-Denayrouze fabriqués à partir de 1865. Et pour permettre aux plongeurs de l’époque de respirer plus aisément dans l’eau avec ces régulateurs, ils ont été complétés par des demi-casques de scaphandriers en cuivre et en bronze, placés devant le visage (nous les appellerions aujourd’hui des masques faciaux, à l’image de ceux utilisés depuis une cinquantaine d’années en plongée industrielle off-shore).
Extrait d’un article publié le 02/03/2022 dans le N°301 de Subaqua : pour retrouver l’intégralité du récit de Philippe Rousseau. RDV sur subaqua.ffessm.fr. Illustrations : collection de l’auteur.

Les travaux préliminaires progressifs

Dès 1860, Benoît Rouquayrol (1826 – 1875), ingénieur des Mines, met au point des systèmes respiratoires régulés à partir de l’air comprimé pour l’usage des mineurs confrontés au grisou (carbone fossilisé essentiellement en méthane et explosif). C’était donc les ancêtres des ARI (appareils respiratoires isolants) toujours indispensables actuellement aux sapeurs-pompiers. Ses travaux préliminaires sont d’ailleurs précisément décrits dans le Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, Série 1 – Tome 5, publié en 1860 : « … Tel était l’état de la question du sauvetage lorsque, dans l’assemblée générale du 9 décembre 1855, la Société de l’industrie minérale a décidé qu’elle décernerait un prix à l’inventeur du meilleur appareil portatif permettant de pénétrer dans les travaux remplis de gaz irrespirables.

Dessin annexé au brevet d’invention n° 63.606 du 27 juin 1864.

L’un des membres de la société, M. Rouquayrol, ingénieur à Firmy, qui s’est occupé d’une manière toute spéciale des procédés de sauvetage dans les mines, a présenté trois principes d’appareils :

> Un appareil respiratoire alimenté par de l’air ordinaire, Avant de décrire le premier de ces appareils, il est nécessaire d’indiquer les principes sur lesquels il est basé. Dans la respiration calme, un homme adulte, bien portant, introduit dans ses poumons, à chaque aspiration, un demi-litre d’air environ. Le nombre des aspirations étant, en moyenne, de 20 par minute, le volume d’air absorbé sera donc de 10 litres par minute ou 600 litres par heure. L’air atmosphérique qui a été inspiré contient encore assez d’oxygène, à sa sortie des poumons, pour pouvoir être respiré sans danger une seconde fois. La Fig. 16, Pl. XVII, montre l’organisation de l’appareil que M. Rouquayrol a construit d’après ces principes. Un réservoir en tôle A, dont la capacité est de 30 litres, contient de l’air à la pression de 20 atmosphères, c’est-à-dire renferme 600 litres à la pression ordinaire. Le plateau métallique PP est relié à la partie supérieure du réservoir À part un anneau CC en cuir ou en caoutchouc ; il présente, en dessous, une tige cylindrique T qui joue dans une ouverture centrale du couvercle du réservoir, et qui est évidée à sa partie supérieure.
> Un appareil respiratoire à air artificiel, M. Rouquayrol a imaginé un autre appareil qui permettrait de séjourner beaucoup plus longtemps dans les gaz méphitiques. On sait qu’à chaque aspiration une certaine proportion d’oxygène est transformée en acide carbonique. Il est donc évident que si, par un artifice peu compliqué, on pouvait après chaque expiration absorber l’acide carbonique qui a été expulsé des poumons et restituer la faible quantité d’oxygène qui a disparu, on renouvellerait pour ainsi dire indéfiniment les gaz respirables et on réaliserait, tout au moins, une économie d’air considérable. M. Rouquayrol pense qu’avec un réservoir d’oxygène de 50 litres on pourrait se maintenir pendant deux heures dans une atmosphère irrespirable.
> Un appareil respiratoire à oxygène comprimé, En combinant les deux dispositions précédemment décrites, M. Rouquayrol a obtenu un troisième appareil qui lui paraît capable d’alimenter la respiration pendant plusieurs heures. Il suffira de jeter un coup d’œil sur la Fig. 1, Pl. XVIII pour comprendre cette nouvelle disposition. Le réservoir en tôle A contient de l’oxygène, comprimé à 10 atmosphères, dont l’écoulement dans la capacité SSDD est régularisé, comme dans le premier appareil, par un plateau PP armé d’une tige évidée T. Le compartiment SD renferme de l’air ordinaire ; il a pour couvercle une plaque de caoutchouc DD qui s’appuie tour à tour sur les cloisons MM, NN. On doit calculer le diamètre de l’orifice O de telle sorte que l’oxygène se débite à raison de 23 litres par heure. Les tubes d’aspiration et d’expiration « t », « t’ » et le flacon épurateur F sont disposés exactement comme dans l’appareil précédemment décrit. Le réservoir A ayant une capacité de 30 litres et contenant, par conséquent, 300 litres d’oxygène à la pression d’une atmosphère, pourrait fournir l’air respirable pendant 5 à 7 heures.

Nous comprenons mieux ainsi comment il a progressivement imaginé, par tâtonnements et étapes successives, le fonctionnement du tout premier détendeur.

Groin à un seul hublot facial – « Les Merveilles de la Science » – Louis Figuier – Tome 4 – 1870 –
Partie « La cloche à plongeur et le scaphandre ».

L’association avec le Lieutenant
de Vaisseau Auguste Denayrouze

Étant originaire de la ville d’Espalion dans l’Aveyron, Benoît Rouquayrol va aussi s’associer en 1865 avec un autre espalionnais : le lieutenant de vaisseau Auguste Denayrouze (1837 – 1883). Leur société va se spécialiser dans la fabrication de matériels pour les plongeurs-scaphandriers. Cette association entre un ingénieur et un marin pour créer du matériel de plongée va curieusement se reproduire environ 80 années plus tard, avec l’ingénieur Émile Gagnan et le lieutenant de vaisseau Jacques-Yves Cousteau !

Avec Jean-Michel Cousteau lors du tournage de son film « L’Homme-Poisson ».
Avec Jean-Michel Cousteau lors du tournage de son film « L’Homme-Poisson ».

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